La motte castrale du Crayhof
Vestiges de la motte castrale de Cappelle-la-Grande, encore visible en 1964. Aujourd’hui entièrement détruite suite à la construction d’un lotissement.
Nous reproduisons ici le compte-rendu des fouilles archéologiques menées en 1989-1990 par Christelle Lagatie, Delphine Liévin et Yves Beauchamp.
Des observations réalisées en 1988 avaient permis de déterminer la présence d’un site fossoyé au lieu-dit le Crayhof à Cappelle-la-Grande, lors de la construction d’une route. La menace de la construction d’un lotissement avait justifié deux interventions en 1989 et 1990. Différentes difficultés du lotisseur ont remis les travaux d’année en année avant que la reprise des constructions n’oblige la réouverture de la fouille.
Les travaux ont permis de dégager des structures de type castral du tout début du XIVème siècle: douves et enceinte. Bien que partiellement arasé, le site permet d’affirmer les points suivants. Il s’agit d’un site fortifié, rapidement conçu, et abandonné avant d’être achevé. Cette destruction prématurée explique que les éléments de construction généralement récupérés soient encore en place ou éboulés dans le fossés. D’autre part cela ne correspond pas à la masse de mobiliers divers et variés que nous avons recueillie sur le site (plus d’une tonne de poteries, tuiles… qui, par ailleurs, portent des traces d’utilisation).
En fait l’hypothèse la plus probable est la tentative d’édification d’un château « illégal » sur les terres d’un seigneur que l’on cherche à dépouiller. Une réaction brutale de ce dernier, aurait fait avorter le coup de force. La présence de mobiliers en nombre disproportionné par rapport à un château dont nous aurions seulement le début d’exécution, ne peut se comprendre alors que dans un apport de matériaux proches, dans le but unique de remblayer rapidement le fossé, allié peut-être à la destruction de l’habitat des personnes ayant prêté leur concours à l’édification comme mesure punitive (il fallait quand même de la main d’œuvre importante pour creuser le fossé, volontaire ou non).
Or dans le cadre d’un inventaire des sites que le G.R.A.A.L. a entrepris en Flandre, nous avons repéré un autre site, Het Groote Plancke, qui s’apparente à une motte castrale avec cour et basse-cour, à moins de 600m au sud de la fouille. Une recherche rapide permet de dater ce site au moins du XIVème siècle et d’envisager son implantation au XIIème siècle (site de mise en culture des terres basses), et même de savoir qu’il appartenait au seigneur de Flandre. C’est sans doute lui qui était visé par la tentative de coup de force que représente notre site.
Nous pourrions nous replacer dans le contexte de la mise en valeur de la plaine maritime et de ses terres basses et marécageuses, à une époque où les possessions n’étaient pas encore fermement établies et il était possible de tenter de s’approprier le bien d’autrui par la force.
Toujours dans le but de comprendre le contexte qu’entoure la tentative d’implantation de notre site, l’étude d’un plan de 1688 aux archives municipales de Dunkerque permet de mettre le doigt sur un détail curieux: un manoir, le Crayhof, construit au XVIème siècle par les seigneurs Dehau de Staplande de Bergues, est représenté à l’emplacement du site. L’auteur du plan l’a barré pour le remettre ensuite à son emplacement normal, qui est aussi l’emplacement actuel. Comment interpréter cette erreur? Y a-t-il une relation entre le Crayhof et notre site? Ou avec la famille Dehau de Staplande? Nous ne sommes pas en mesure de donner une réponse à ces questions. Mais ce qui est certain, c’est que l’emplacement de ces deux derniers sites n’est pas un hasard: pour la topographie, il est plus logique de s’implanter à l’intersection du CD 2 actuel et du Langhe Grach, watergang très important, qu’au milieu des terres basses comme le site De Groote Plancke. (Sources : GRAAL)
Le même site en 1920 (Source : Géoportail)
La motte castrale au lieu-dit Het Groote Plancke en 1936 (Source : Géoportail)